L’histoire du thé vert au Japon a une longue filiation avec l’histoire du thé en Chine. Au cours de la période Nara (710-794 ap. J-C) puis de Heian (794-1192 ap. J-C), les empereurs japonais envoient des émissaires diplomatiques en Chine, parfois accompagnés du clergé bouddhiste qui rapportent avec eux du thé en guise de cadeau d’amitié.
Des documents d’époque attestent que le thé de Chine fut dégusté lors de cérémonies formelles à la cour, notamment en 729 par l’empereur Shomu. Il s’agissait alors uniquement à cette époque de thé importé de Chine. Une curiosité en somme.
Arrivée des théiers au Japon
En 805, deux moines bouddhistes japonais Saicho et Kukai reviennent de Chine avec des graines de théiers. Elles sont semées dans la préfecture de Saga, sur l’île de Kyūshū au sud de l’archipel japonais. A cette époque, le thé est encore considéré – tout comme en Chine – comme une plante médicinale tonifiante.
La poudre de thé : le révolution matcha
Sous la dynastie Song (960-1279 après J-C), les maîtres du thé chinois inventent un nouveau procédé de fabrication et de dégustation du thé vert : la poudre de thé vert. En chinois « mocha » et en japonais « matcha ». Pour des raisons pratiques et gustatives, ce matcha fait rapidement son chemin au Japon.
Ainsi,en 1191, Eisai, moine bouddhiste très influent, apporte à Kyoto cette nouvelle méthode de fabrication. On dit d’Eisai qu’il participa largement à la popularisation du thé. C’est fort probable puisque Eisaï a aussi rédigé le premier ouvrage sur le thé du Japon, en 1214. Son disciple, le moine Dôgen fut le premier à instaurer des règles sur la préparation du thé qui inspirèrent la fameuse cérémonie du thé, raffinée par la suite par le moine Musô Kokushi.
A noter qu’en Chine, c’est l’invasion mongole qui mit un terme à cette pratique alors qu’elle a continué à se développer au Japon.
Développement de la culture du thé à Kyoto
Le moine Myoé Shonin, un élève d’Eisai planta le premier jardin de thé dans la région brumeuse et vallonnée d’Uji entre Osaka et Kyoto.
Les contacts réguliers entre les moines et la classe dirigeante des Samouraïs font que le thé est rapidement adopté par le Shogun. Des plantations de thé commencent à se développer à Kyoto, Musashi, Suruga mais aussi Yamato etc…
À cette époque, le thé est principalement traité à la vapeur puis écrasé en poudre.
Petit à petit, de nouvelles méthodes de fabrication sont élaborées. À la fin de l’ère Kamakura (1185-1333) eurent lieu les premières compétitions de thé vert tandis que des associations d’amateurs de thé commençaient à éclore, pour le moment uniquement auprès de la noblesse.
Matcha, Cérémonie du Thé et Sen no-RiKyu
La période Muromachi (1392-1502), voit la cérémonie du thé prendre une nouvelle ampleur. Le nombre de salons de thé ainsi que les ustensiles propres à la préparation délicate du matcha augmentent de façon rapide. C’est alors que naquit l’esthétique du Wabicha, style de cérémonie du thé caractérisé par une grande simplicité qui a littéralement inspirée l’ensemble de la culture japonaise telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Ce n’est qu’au 16ème siècle que la consommation de thé se démocratise vraiment.
Takeno Joô, élève de Sen-No-Rikyu, maître de thé et instigateur principal de la cérémonie du Thé Wabicha, participa à créer “la voie du thé” aussi appelé la « cérémonie du thé » telle qu’elle est encore pratiquée aujourd’hui.
Innovations techniques au Japon
L’infusion de feuilles de thé entières se développe à partir du 16ème siècle sous l’impulsion d’un maître Zen chinois Ingen Ryūki, invité en 1654 à participer à la fondation de Mampoku-ji, le temple Zen principal situé à Uji. (Voir l’article Le thé dans la région de Uji au Japon )
A cette occasion, il rapporte également de Chine une théière de forme particulière équipée d’une poignée latérale qui est l’ancêtre de Kyusu japonais
Une autre invention cruciale est élaborée en 1738 par Nagatani Soen. Ce maître de Thé proposa une nouvelle méthode de préparation des feuilles de thé. Elle consistait à rouler les feuilles rapidement après le processus de torréfaction à la vapeur. Les parois des cellules sont ainsi brisées ce qui améliore l’extraction des substances dans l’eau chaude. Cette méthode – dite Uji-Seiho – est très largement utilisée aujourd’hui pour la production de Sencha. (Voir l’article L’incroyable technique de roulage du thé vert au Japon )
Découverte du Gyokuro
Jusqu’à la fin de l’ère Edo (1603-1868), il était classique de couvrir les théiers d’une natte tressée avant la récolte. Cette technique a été développée à Uji. On obtenait ainsi du «thé ombré» qu’on réduisait par la suite en poudre pour fabriquer du matcha.
Le cultivateur Eguchi Shigejuro améliora cette technique en 1841 et donna le nom de
Gyokuro à sa création. Ce nouveau thé combinait l’ombrage du thé et le roulage des feuilles propre à la technique Sencha. Le Gyokuro se répandit dans tout le Japon et de nos jours, il est principalement produit à Yamé mais aussi Uji. (Lire aussi l’article Les différents types de thés verts japonais )
L’ouverture au monde du thé vert japonais
La première exportation maritime de thé vert japonais réalisée depuis Nagasaki par la société Dutch East India Company, eu lieu en 1610. Mais le réel début date de 1859 avec l’ouverture des ports de commerce destinés aux échanges avec l’Occident suite à la signature par le dernier Shogun – Tokugawa Iéséda – du premier traité commercial avec les Etats-Unis. En 1859, le Japon a ainsi exporté 180 tonnes de thé vert. Un début.
Révolution Meiji et explosion de la production de thé
En 1868 au début de l’ère Meiji, une révolution a lieu. Le Japon – jusqu’alors féodal – découvre son retard face au développement des autres nations. Les chefs de guerre de la noblesse perdent considérablement de leur pouvoir et doivent se tourner vers l’agriculture pour subvenir à leur besoins. La culture du thé s’étendit donc rapidement, le japon étant un pays montagneux, elle s’y prêtait bien.
Éclosion d’une filière économique au Japon
Avec l’augmentation de la production, le prix du thé chuta de manière rapide au 19ème siècle. Les anciens propriétaires, les samouraïs, revendirent petit à petit leurs plantations de thé aux profit d’agriculteurs aguerris, spécialisés et très au fait de la mécanisation et de l’automatisation.
Le Japon a depuis développé un savoir-faire hors-pair dans la production du thé vert. Le développement de nouveaux cultivars – notamment le Yabukita – lui permit d’améliorer considérablement les rendements… Mais nous touchons là à la fin de ‘lhistoire du thé au Japon pour arriver à l’ère moderne.
Je vous invite à continuer ici la lecture vers cet autre article pour en savoir plus sur le thé du Japon.