Les plus grandes marques de thé françaises réussissent l’exploit de vendre du thé aux japonais ou aux anglais. Elles sont devenues les stars des boutiques duty-free des plus grands aéroports internationaux. Comment sont-elles arrivée là ? En exaltant le « thé à la française », le french tea.
Ce concept semble porter ses fruits. Le thé à la française jouit d’un «je-ne-sais-quoi » qui fait la différence dans l’esprit des consommateurs. Mais ce « thé français » reste assez difficile à définir. Est-ce un simple concept marketing, une façon authentique d’apprécier le thé quand on est français, un goût particulier ?
J’ai plaisir à initier ici quelques pistes de réflexion pour cerner les contours d’un concept qui reste encore assez flou. Prenons un exemple à titre de comparaison. Quand on parle de thé au goût anglais, on parle d’un thé noir, charpenté, au goût puissant et tanique issu en général de plantation d’Inde. On parle même par extension d’une forme de cérémonie, le fameux Tea Time de 4 heures avec petits gâteaux et le nuage de lait.
Qu’en est-il du thé au goût français ? De quel type de thé s’agit-il ? De quel goût particulier parlons-nous ? De quel type de cérémonie fait-il l’objet ?
Le thé à la française : un simple concept marketing ?
Depuis les années 2000, l’image du thé a commencé sa mue, boosté par des campagnes publicitaires de plusieurs millions d’euros. D’une pratique vieillotte, il est petit à petit devenu un produit tendance, moderne et dynamique. C’est que le thé, pour toucher le plus grand nombre, s’adresse à un nouveau segment de consommateurs : les jeunes.
Il se devait donc de devenir plus branché pour permettre aux jeunes d’affirmer leur statut tout en restant fondamentalement cohérent avec son histoire et sa tradition pour continuer à plaire aux plus anciens. Cette stratégie porte ses fruits. Le marché du thé en France affiche une croissance constante à deux chiffres.
Du point de vue marketing, le thé à la française serait donc un thé à l’image modernisée mais fidèle à ses origines ancestrales. Mais un thé à l’autrichienne ou un thé à l’espagnole auraient tout aussi bien pu véhiculer de telles valeurs. L’aspect « français » du thé lui donne une saveur particulière. Pourquoi ?
La France : un rapport culturel à la nourriture unique au monde
Si le repas gastronomique français est inscrit depuis 2005 au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, ce n’est bien sûr pas un hasard. La gastronomie française jouit d’une réputation mondiale indiscutable. La cuisine française la plus raffinée s’inspire largement de la cuisine du terroir d’où elle tire ses racines.
Une analogie qui correspond parfaitement au thé, produit raffiné et subtil issu de terroirs typiques et ancestraux. Tout comme les plus grands chefs du guide Michelin subliment les truffes du Périgord, les professionnels du thé savent comment sublimer un Darjeeling pour lui donner une nouvelle dimension.
C’est ici qu’intervient – me semble t’il – la notion de mélanges et d’aromatisation- devenue aujourd’hui si courante dans le thé. Thé blanc au pétales de rose, Long Jing à la violette, thé noir du Sri Lanka à la mousse de caramel et aux amandes… Le thé devient une base de travail pour des recettes toujours plus originales.
Les français ont semble t’il perçu l’attrait de ces mélanges de saveurs aux noms exotiques très tôt. D’ailleurs, notre article sur la fabrication maison de thés parfumés est de très loin celui qui est le plus lu sur notre blog, qui compte plus de 300 articles à l’heure où j’écris ces lignes.
Les français ont un rapport charnel avec la nourriture. Nous aimons savoir d’où viennent les ingrédients, comment ils sont fabriqués, si ils sont BIO ou issus d’une agriculture raisonnée et comment les cuisiner…
Finalement, on retrouve dans le thé de grandes similitudes avec le vin, produit éminemment français lui aussi. Le vin, issu d’un terroir, d’un savoir-faire, qui se déguste à une certaine température, avec certains aliments, selon certains millésimes etc… exactement comme le thé finalement. A ceci prêt que le thé ne contient pas d’alcool et peut être bu sans modération.
En résumé, il me semble que l’art du thé et plus particulièrement des créations à base de thé, était finalement inscrit dans notre histoire et nos coutumes, en dormance, prêt à être éveillé.
Cependant, si le thé à la française est perçu comme un art culinaire à part entière, c’est aussi probablement parce que c’est un produit de luxe, relativement onéreux et qui se boit en pleine conscience. Là encore, le luxe est inscrit dans le savoir-faire français.
Le thé à la française : une certaine idée du luxe mais décontractée
La France, vue de l’étranger, est aussi perçue comme le pays du romantisme et du bon goût. Haute-couture et élégance y font bon ménage à juste titre. Et ça tombe bien car le thé est lui aussi une denrée de luxe, qui se déguste avec délicatesse.
Le thé à la française c’est aussi très probablement une certaine idée du luxe. Un produit haut-de-gamme subtil que l’on prend plaisir à déguster de façon décontractée.
Peut-être même pourrait-on parler d’une cérémonie du thé à la française au même titre que la cérémonie du thé chinoise, japonaise ou du tea time britannique. Le thé à la française se boit en bonne compagnie et accompagné de quelques macarons. C’est un rituel et peut-être même un facteur de distinction sociale.
Il n’est pas rare de voir de jeunes gens – souvent des femmes – arborer dans la rue un mug transparent où infuse un thé parfumé. Boire du thé est non seulement agréable mais c’est aussi devenu – du moins je le crois – le signe d’une vitalité affichée.
Le thé à la française : un rapport au corps et au bien-être
Le thé est non seulement un produit fin, authentique, qui se boit selon un certain rituel, qui offre des goûts variés et originaux mais c’est aussi une boisson très faible en calories, riche en anti-oxydants, qui active le métabolisme et coupe l’appétit… En résumé le thé est aussi la boisson « détox » rêvée.
Il se trouve qu’à l’étranger – en particulier aux Etats-Unis – l’image de la françaises est associée à l’élégance et à la minceur. On parle d’ailleurs du « paradoxe français » selon lequel les français sont en moyenne plus minces alors qu’ils mangent plus d’aliments gras et qu’ils boivent beaucoup d’alcool. Oui, mais du bon gras et de bons alcools, expliquent les nutritionnistes.
Le thé à la française c’est donc aussi une boisson minceur efficace appréciée de femmes naturellement minces et élégantes. Oui, et du bon thé, pourraient ajouter les nutritionnistes ! Comprenez sans-sucre ajouté, bio, et agrémenté d’autres plantes aux vertus bénéfiques.
Note : c’est ici que le thé se distingue de son éternel rival, également très apprécié en France : le café. Autant le café est lui aussi considéré comme un produit authentique, au goût typique autant on ne parle pas du tout des « vertus minceur du café » pourtant riche en caféine et faible en calories.
En résumé et pour synthétiser
Sous l’impulsion d’un marketing à grande échelle, en raison de réelles caractéristiques organoleptiques, et en raison d’un savoir-faire typiquement français, le thé français pourrait être défini comme un produit :
- authentique issu d’un terroir;
- sublimé par les associations de saveurs des maîtres du thé français;
- de luxe mais pour les jeunes, donc décontracté et dynamique;
- c’est aussi un atout minceur qui rend les femmes plus belles.
Mais plus qu’un produit, c’est aussi :
- un plaisir sains apprécié de tous;
- une cérémonie spécifique qui met en valeur le savoir-faire culinaire français;
- un goût typique créé par des artistes du thé;
- et donc presque un art de vivre à la française.
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