Du bourgeon à la tasse, nous vous expliquons comment les théiers sont cultivés et récoltés. Découvrez les conditions idéales pour obtenir un thé succulent.
Qu’est-ce qu’un théier ?
Le théier est l’arbre qui produit les feuilles qui permettent d’élaborer le thé vert, noir ou blanc.
Selon la classification botanique, le théier fait partie de la familles des Théacées qui rassemble environ 30 genres et 500 espèces de plantes différentes. Il fait partie du genre Camellia, qui compte 82 espèces différentes. Le théier qui permet de produire le thé que nous buvons est donc un proche parent du camélia ornemental, connu sous le nom de Camellia japonica.
Il existe surtout 3 variétés de théier principales : Camellia sinensis var. assamica, C. sinensis var. sinensis et C. sinensis var. cambodiensis.
Attention : les noms sinensis et assamica n’indiquent pas une origine géographique. Ils signalent simplement les régions où ces variétés ont été initialement découvertes : la Chine pour le sinensis et l’Assam pour l’assamica. Autrement dit, un théier assamica peut pousser en Chine ou au Japon… ou même en France.
En raison de l’hybridation naturelle ou provoquée par l’homme, ces trois variétés ont engendré une multitude d’hybrides. On estime qu’il en existe entre 400 et 700. Chacune d’elles a ses propres caractéristiques.
A la base le théier est un arbre. On le connait aujourd’hui sous sa forme arbustive car il est taillé de façon à maintenir sa dimension à la bonne hauteur en vue de la récolte.
Son feuillage est perpétuel avec des feuilles qui peuvent mesurer jusqu’à 25 cm de long. Elles sont de forme ovale et finement dentelées. La face supérieure est brillante et plus foncée que la face inférieure.
Développement du théier au cours des saisons
Dans un pays chaud, par exemple en Afrique, le théier alterne entre des cycles de croissance végétative vigoureuse et des périodes de repos. On parle de « dormance ». Sur une année, il y a 5 cycles avec 5 alternance de repos et de croissance.
Les cultivateurs, pour maximiser la production de feuilles, font en sorte de maintenir le théier dans un état de croissance végétative constant. Pour y parvenir la taille des branches et la récolte des bourgeons joue un rôle clef.
Lorsque les théiers sont en phase de croissance, un bourgeon se forme, la tige s’agrandît puis donne naissance à des feuilles le long de chaque branche. Ce sont ces bourgeons et ces jeunes feuilles tendres qui sont régulièrement cueillis pour confectionner le thé.
Dans un pays au climat tempéré, par exemple au Japon, le théier va connaitre une phase de dormance hivernale. Dès le milieu de l’automne, la croissance du théier marque une pause avant de reprendre à l’approche du printemps.
Après cette pause, les premiers bourgeons et feuilles cueillis sont très prisés pour leur richesse aromatique qui est le fruit du faible taux de précipitations combiné à l’ensoleillement accumulé durant l’hiver. On parle de first flush. À l’opposé, les bourgeons et feuilles qui poussent pendant la saison des pluies sont moins appréciés car gorgés d’eau.
Tableau des saisons du thé par pays
Pays | Saison de thé |
---|---|
Argentine | Octobre à Novembre (dormance de Juin à Août) |
Chine (hors régions subtropicales) | Mars à Mai (dormance de Décembre à mi-Février) |
Inde (nord) | Mars à mi-Avril et mi-Mai à Juin (dormance de Décembre à Février) |
Inde (sud) | Décembre à Février (certains toute l’année) |
Japon | Mai à Août (dormance de Septembre à Avril) |
Java | Juillet à Septembre (certains toute l’année) |
Kenya | Mi-Janvier à Février, et Juillet à Août (certains toute l’année) |
Sri Lanka (Nuwara Eliya) | Toute l’année |
Sri Lanka (districts de l’est) | Juin à Octobre (certains toute l’année) |
Sri Lanka (districts de l’ouest) | Décembre à Avril (certains toute l’année) |
Sri Lanka (Dimbula) | Décembre à Avril (certains toute l’année) |
Taïwan | Mars à Octobre |
Théier de chine (Camellia sinensis var. sinensis)
Natif du Yunnan, le théier chinois peut s’élever à une hauteur de 5 mètres en croissance libre. À la différence de la variété assamica, le sinensis se régénère grâce à des pousses venant de ses racines.
Se plaisant sur les versants montagneux frais orientés au sud à des altitudes de 2 000 à 3 000 mètres, sa période de croissance écourtée donne un rendement modeste mais une feuille délicate et fine, souvent moins riche en tanin que celle de son cousin, le théier d’Assam.
Bien que moins productif que l’assamica, le sinensis est robuste et tolère bien la sécheresse et les températures hivernales. Il résiste au gel jusqu’à 15 centimètres de profondeur dans le sol. Cette résilience lui permet d’être cultivé dans diverses régions comme le Japon, la Chine, les anciens États soviétiques, l’Iran, la Turquie et les plantations en haute altitude notamment à Darjeeling. Le thé qu’il produit est généralement aromatique mais léger en corps.
On le taille souvent à plat afin de former une table d’où est cueillie la nouvelle pousse. Les feuilles matures sont disposées en alternance, d’un vert intense, robustes et lisses, avec des bords dentelés.
Cette variété, associée à une cueillette manuelle et à une transformation soignée, est majoritairement exploitée pour obtenir des thés de bonne qualité, très prisée pour le thé vert. Il est aussi la variété privilégiée pour la production de toutes les catégories de thé en Chine, notamment les oolongs doux du Fujian, les thés noirs soyeux du Yunnan, et les thés Keemun vivifiants et raffinés de la province d’Anhui, située au centre de la Chine.
Théier assam (Camellia sinensis var. assamica)
Ce théier prospère dans des conditions semblables à celles de la jungle tropicale. Il s’épanouit dans un sol riche et limoneux, bien drainé et légèrement acide. Une haute humidité, des précipitations de 250 centimètres par an et une température moyenne de 29°C lui garantissent une croissance luxuriante.
Dans les conditions subtropicales et tropicales qu’il apprécie, ses feuilles peuvent être cueillies tous les dix jours, toute l’année, bien que pour ce volume de production, il doit être fortement alimenté en engrais.
Le théier Assam est la variété préférée pour la production de thé noir de haute qualité du nord-est de l’Inde, du Sri Lanka et de la plupart de l’Afrique.
En liberté, l’assamica peut s’élever jusqu’à 10 à 15 mètres de hauteur. Contrairement au sinensis, il se caractérise par un branchage plus éparpillé et moins dense. Ses feuilles sont grandes, pouvant aller jusqu’à 20 cm de long.
En termes de saveur, il offre des liqueurs robustes, riches en couleur et en force. Moins résilient que le sinensis, il est sensible à la sécheresse et au froid, et sa résistance aux parasites et maladies est plus limitée. Cependant, cette variété et ses hybrides s’adaptent bien aux régions à forte pluviométrie, comme celles touchées par la mousson.
Théier du Cambodge
D’une taille qui se situe entre le sinensis et l’assamica, ses feuilles se distinguent par leur teinte vert-jaune.
Il s’agit du théier de choix pour les zones de culture tropicales, accidentées et souvent montagneuses. C’est une variété robuste, mais son rendement est moins bénéfique que celui du de la variété Assam. Il est utilisé pour la production de thé de volume plus élevé mais de qualité inférieure nécessaire pour la consommation locale.
Il a été introduit sur l’archipel indonésien durant l’époque de contrôle néerlandais, dans le but d’augmenter la quantité de thé disponible sur l’île.
Il est sans doute un proche parent de son cousin d’Assam, partageant de nombreuses similitudes ; cependant, les biologistes lui ont attribué le statut de sous-variété en raison de ses caractéristiques uniques d’habitude et de floraison.
Cette variété a la particularité de s’être hybridée naturellement avec les deux autres. Elle contribue ainsi à la création de nouveaux cultivars.
Les cultivars hybrides
En plus des trois variétés majeures, il y a aujourd’hui une multitude d’hybrides, aussi appelés cultivars.
Ce terme provient de la contraction de l’expression anglaise “cultivated variety”. Un cultivar est issu d’une sélection, d’une hybridation (croisement entre deux espèces ou genres) ou d’une mutation spontanée à l’état naturel.
La particularité d’un cultivar est que ses caractéristiques ne sont généralement pas transmises par semence. Une reproduction par bouturage est obligatoire.
Le Japon a développé un savoir-faire de pointe dans ce domaine. Si le Yabukita est la star des cultivars au pays du Soleil Levant où représente plus de 90% des plantations, de plus en plus d’alternatives sont aujourd’hui exploités pour produire du thé de qualité : Yutakamidori, Benihikari, Benihomare sont quelques noms réputés.
Le cultivar Yutakamidori a par exemple été sélectionné à partir d’une population de théiers Asatsuyu à l’Institut National de la Science des Végétaux et du Thé de Kanaya puis enregistré à Kagoshima en 1966.
Le rôle d’un centre de recherche sur le thé : l’exemple du centre Fukujuen au japon
Au Centre de Recherche Fukujuen situé à Kyoto, une collection de buissons de thé est plantée à l’extérieur de l’établissement, sous la supervision de biologistes et de botanistes experts. Ce centre héberge une variété de cultivars japonais soigneusement arrangés dans un jardin de thé, ainsi que des plantes originaires de Chine, d’Inde et du Sri Lanka.
Le Japon a ainsi réussi à cloner sous sa houlette près de soixante-quinze cultivars de Camellia sinensis, dont Kanayamidori, Okumidori, Saya-makaori, Yabukita, et Yutakamidori.
Les initiatives chinoises explorent de leur côté la variété de oolong Tieguanyin pour la création de thé noir. Les scientifiques du pays s’orientent vers le clonage de Tieguanyin en nouvelles variétés, soit pour introduire un nouveau profil de saveur dans le thé vert, soit pour la future production de oolong japonais.
Quelles sont les conditions idéales pour faire pousser un théier ?
Un théier s’adapte assez bien à son environnement. Mais pour être productif et donner des feuilles exceptionnelles, il a besoin de faire coïncider plusieurs conditions optimales. La notion de terroir est fondamentale dans la culture du thé.
La géographie du théier
Pour visualiser la zone géographique où le théier peut pousser, imaginez une bande qui s’étend globalement :
- Au Nord, jusqu’au 40e degré de latitude, ce qui englobe des régions comme le sud de la Russie, le nord de la Chine, le Japon, et même potentiellement certaines parties de l’Europe comme le sud de la France.
- Au Sud, jusqu’au 30e degré de latitude, ce qui inclut des régions comme le nord de l’Afrique (Maroc, Algérie, Tunisie) et certaines parties de l’Amérique du Sud comme le Brésil.
Entre ces deux latitudes, vous avez une grande variété de pays et de régions qui peuvent potentiellement cultiver du thé, y compris mais sans s’y limiter, l’Inde, le Sri Lanka, le Kenya, la Chine, le Japon, et bien d’autres. On produit aussi du thé en Georgie ou en Iran par exemple.. et même en Bretagne pour les plus téméraires.
Le théier préfère donc un climat chaud mais tout de même avec une humidité constante et élevée, quelques heures d’ensoleillement quotidien et des précipitations régulières, idéalement étalées sur toute l’année.
L’idéal ce sont les régions équatoriales en altitude. Elles offrent un climat particulièrement favorable à la culture du théier, notamment lorsque les nuits sont pluvieuses et les journées ensoleillées.
Températures et précipitations
Les théiers poussent dans des climats variés, avec des températures allant de -10 à 35 °C. Ils tolèrent le froid mais succombent au gel, surtout si la température descend en dessous de -5 °C pendant plus de 72 heures, à moins qu’il ne s’agisse de variétés hybrides spécifiques.
Au Japon par exemple, la région de Shizuoka est réputée pour sa production de thé vert. Bien que le climat y soit généralement doux et humide, il peut y avoir des épisodes de froid en hiver. Pour y remédier, les producteurs de thé utilisent souvent des méthodes comme le paillage pour protéger les racines contre le gel ou des ventilateurs pour brasser l’air chaud et le faire redescendre au niveau du sol.
Dans la meilleure configuration, le théier a besoin d’une température stable. Par exemple, dans le Yunnan, la température moyenne oscille entre 12 et 26 °C toute l’année, permettant une récolte continue.
En ce qui concerne les précipitations, le théier a besoin d’au moins 1 500 mm d’eau par an et d’une saison sèche ne dépassant pas trois mois sous les tropiques. La quantité de pluie influence aussi la qualité du thé : pendant la mousson, la croissance est rapide mais la qualité diminue, tandis qu’une sécheresse peut améliorer la qualité du thé récolté.
Enfin, une humidité atmosphérique d’environ 70% est idéale pour le théier. Les plantations en altitude bénéficient souvent de ce taux d’humidité, ce qui se caractérise par nuages et de la brume.
Effets du réchauffement climatique sur la culture du thé
Environ 25% du thé mondial est produit en Inde et plus de la moitié de cette production provient d’Assam, un État situé dans le nord-est du pays.
D’après une étude de 2018 menée auprès des plantations de thé en Assam, 88 % des responsables et 97 % des petits propriétaires considèrent que le climat est un vrai péril pour leur production de thé.
Le bouleversement climatique en Assam entraîne une baisse générale des pluies avec des épisodes plus fréquents de sécheresse et de précipitations importantes. Ces fortes averses engendrent l’érosion du sol et des problèmes de drainage, compromettant le développement des racines et affaiblissant les rendements des théiers.
En Chine, le changement climatique semble décaler les saisons. Dans le Yunnan, le début de la saison des moussons arrive plus tôt, ce qui réduit la période plus sèche du printemps. Les experts estiment que la fin de la saison des moussons en Asie de l’Est sera retardée au cours des 50 prochaines années.
Tout cela aura un impact sur la qualité du thé. Le taux d’antioxydants dans le thé fluctue en fonction de la météo de même que ses qualités gustatives.
Ensoleillement
Pour prospérer, le théier a besoin de sa dose quotidienne de lumière du soleil, mais pas n’importe laquelle. La lumière doit être diffuse. C’est pourquoi on trouve souvent de grands arbres dispersés dans les plantations de thé dans les zones tropicales ou subtropicales. Leur rôle est de filtrer les rayons directs du soleil, de maintenir l’humidité du sol et de protéger les théiers contre le vent et les fortes pluies. Leurs feuilles tombées se décomposent et enrichissent le sol, compensant ainsi les effets de la monoculture. Les oiseaux et chenilles qui y logent fertilisent aussi le sol de leurs déjections.
En Inde, on plante donc des arbres à caoutchouc (Hevea brasiliensis) ou des Albizia (Albizia lebbeck) qui dispose d’un système racinaire profond qui n’entre pas en concurrence avec celui des théiers.
En Chine, on plante camphriers (Cinnamomum camphora), paulownias, voire même du bambou.
Caractéristiques du sol
Le théier est un champion de l’adaptabilité, capable de prospérer sur une variété de sols aux caractéristiques physiques et chimiques diverses. Que ce soit sur des alluvions comme en Assam, des sols granitiques en Chine, ou même des terrains volcaniques au Kenya, le théier n’est pas difficile. Cependant, il a une préférence pour les sols ni calcaires, ni argileux.
L’acidité du sol est un critère crucial pour le théier. Avec un pH oscillant entre 4,4 et 5,5, l’acidité du sol influence directement l’absorption des nutriments essentiels à la croissance de la plante. Par ailleurs, le théier aime les sols profonds et meubles, riches en humus et bien drainés. Ses racines peuvent s’étendre jusqu’à 6 mètres de profondeur.
Le drainage est également un facteur clé, surtout pendant les saisons de fortes pluies. Un sol trop argileux peut entraver le drainage et nuire à la croissance des racines. En même temps, le sol doit être capable de retenir suffisamment d’eau pour soutenir la plante pendant la saison sèche.
Le sol doit être riche en potassium, qui renforce la résistance de la plante à la sécheresse et aux maladies, et le magnésium, un composant essentiel de la chlorophylle.
Pente et altitude
La culture du théier privilégie les sols en pente pour un drainage naturel car il ne tolère pas l’eau stagnante. Dans les zones plus plates, des fossés d’irrigation sont creusés pour éviter l’engorgement du sol.
Ce n’est donc pas un hasard si de nombreux jardins de thé sont situés en montagne. L’altitude offre aussi des conditions climatiques idéales. Pour chaque augmentation de 300 mètres d’altitude, la température baisse d’environ 2°C par rapport au niveau de la mer. Ainsi, si la vallée est à 30 °C, une plantation à 1 500 m sera à 20°C.
Certaines plantations se trouvent même à plus de 2 000 m d’altitude, comme celle du massif des Lishan à Taiwan, qui culmine à plus de 2400 m. À ces hauteurs, les conditions climatiques ralentissent la croissance des bourgeons et réduisent le rendement, mais elles améliorent la qualité des feuilles et de l’infusion.
Profil des plantations de thé
La taille des plantations de thé varie grandement selon les régions du monde.
L’Inde est la champion en terme de surface. À Darjeeling, les plantations varient de 50 à 700 hectares, avec une moyenne de 200 hectares. En Assam, elles sont immenses, avec au moins 300 hectares et environ 600 employés.
À Taiwan, c’est l’inverse, la taille moyenne est d’environ 1 hectare. En Chine, les plantations peuvent être petites, moyennes ou grandes, allant de 60 hectares à plus de 200 hectares. Chaque travailleur y gère entre 3 et 5 hectares de terre à titre personnel et doit cueillir et aller vendre ses feuilles à la manufacture locale.
Au Sri Lanka, les plantations sont encore plus grandes, s’étendant de 1000 à 2500 hectares et employant jusqu’à 10000 personnes chacune.
Les cultivars utilisés
Chaque type de théier est spécifiquement adapté à la production d’une certaine variété de thé, qu’il s’agisse de thé vert, noir, etc.
Ces variétés de théiers sont généralement confinés à une zone de culture spécifique. Des centres de recherche comme TOCKLAI en Inde du Nord ou le TTES à Taiwan se consacrent à l’étude des théiers et au développement de nouveaux cultivars.
Certains cultivars peuvent être élaborés pour lutter contre des vermines, contre la sécheresse ou le gel par exemple.
Ils portent souvent le nom de la plantation d’où proviennent les clones sélectionnés, comme Tukdah ou Phoobsering, ou bien celui de la station de recherche qui les a développés, comme TTES.
Par exemple, à Darjeeling, 33 cultivars sont utilisés, les plus prisés pour leur qualité étant le AV2, le P312 et le BB157. Au Japon, plus de 50 cultivars sont utilisés.
À Taiwan, on trouve notamment le Qing Zin, le Jin Xuan, le Ruby Red…
Reproduction des théiers
Historiquement, la culture du thé se faisait principalement par ensemencement. Mais cette méthode avait un inconvénient majeur : elle produisait des théiers très hétérogènes. En clair, les graines du même théier donnaient naissance à des plantes aux caractéristiques très variées.
Au XIXe siècle, les Anglais ont introduit la culture du thé en Inde dans le but de rivaliser avec la Chine en matière de qualité. À cette époque, ils utilisaient le croisement contrôlé pour créer des hybrides de thé. Ce processus était long et compliqué, nécessitant la sélection manuelle des “parents” et des tests rigoureux sur les nouvelles plantes.
Cependant, dans les années 1930, une avancée majeure est survenue avec l’adoption de la technique du bouturage. Ce procédé permet de cloner des théiers sélectionnés pour leurs caractéristiques souhaitables, rendant le processus de sélection beaucoup plus rapide et efficace.
De nos jours, cette méthode de clonage par bouturage est toujours la plus utilisée pour cultiver du thé de qualité. Elle implique un tri méticuleux des plantes sur la base de divers critères, de la morphologie aux qualités du thé produit. Seules les meilleures sont ensuite utilisées comme “reproducteurs” pour de nouvelles plantations.
Les avantages du bouturage de théier
Un théier cloné par bouturage est une réplique exacte de son parent, partageant les mêmes avantages et donc les mêmes inconvénients, que ce soit en termes de rendement, de résistance au climat ou de susceptibilité aux maladies.
Cette uniformité est bénéfique pour maintenir une qualité de thé constante, mais elle a ses revers. Par exemple, si un arbre cloné tombe malade, il y a de fortes chances que tous les autres arbres identiques soient également touchés.
En outre, ces théiers clonés ont une espérance de vie plus courte et leurs racines ont tendance à se développer plus horizontalement, ce qui augmente les risques de glissements de terrain sur les terrains où ils sont plantés.
Pour ces raisons, il est conseillé de mixer des théiers issus de boutures avec ceux cultivés à partir de graines sur la même parcelle, afin d’équilibrer les avantages et les inconvénients de chaque méthode de culture.
Comment faire germer des graines de théier ?
Les graines de théier ne sont pas cueillies mais collectées au sol, particulièrement pendant la saison de fructification qui s’étend d’octobre à janvier.
Un théier peut produire entre 2 et 4 kg de graines par an, ce qui équivaut à environ 3000 graines. Ces graines sont ensuite triées selon leur taille et leur densité, deux critères qui donnent une idée de leur qualité. Un test de flottaison de 24 heures permet d’identifier les graines les plus denses, qui sont ensuite sélectionnées pour la culture.
Il faut ensuite mettre ces graines dans un germoir jusqu’à ce que leur coque dure éclate et que la radicule apparaisse. Chaque graine germée doit être ensuite placée dans un sac rempli de terre fertile.
Il faut protéger les jeunes plants du soleil au départ puis progressivement enlever cette protection pour l’aider à s’acclimater. Sa transplantation finale a lieu après 18 mois de soins en pépinière.
Comment bouturer un théier ?
Un théier mère peut donner environ 200 boutures chaque année. La bouture est prélevée à l’aide d’un couteau et est ensuite coupée en morceaux de 3 à 4 cm, chaque segment contenant une feuille. Cette bouture est ensuite placée dans un sachet de terre fertile, similaire à celui utilisé pour les graines, où elle commence à développer son système racinaire.
L’humidité est cruciale pendant la phase de développement des racines. Les boutures sont donc aspergées d’eau régulièrement, parfois plusieurs fois par jour, pour maintenir un taux d’humidité optimal dans l’air. Une surveillance constante de l’humidité du sol est également pratiquée. De plus, une ombrière est utilisée pour moduler l’exposition au soleil.
L’enracinement des boutures est généralement complet après 10 à 12 semaines. Dans les 4 à 6 semaines suivantes, une phase d’endurcissement commence : les pulvérisations et l’ombrage sont progressivement réduits. Une bouture est considérée comme prête pour la plantation lorsque son système racinaire est bien développé et qu’elle a quelques feuilles. La transplantation définitive a lieu après 18 mois de soins.
Planter un théier en vue d’une production rentable
La densité de plantation d’une parcelle varie selon les régions. Pour être rentable, il faut au moins 8000 arbustes par hectare. Dans la plupart des pays producteurs de thé, les arbustes sont plantés avec un espacement compris entre 60 cm sur 120 cm et 90 cm sur 150 cm, ce qui représente une densité respectivement comprise entre 13 500 et 7 700 arbustes par hectare.
Les jeunes plants sont installés dans des trous d’environ 30 cm de diamètre et 50 cm de profondeur. L’espacement entre eux est calculé pour que, une fois adultes, les arbres remplissent intégralement l’espace disponible pour la cueillette. Un ombrage temporaire est créé avec des haies.
Il faut cinq ans pour qu’un théier atteigne un stade où il peut être exploité. Durant cette période, aucun thé n’est récolté. Un paillis est disposé à son pied pour minimiser l’évaporation tout en limitant la croissance des mauvaises herbes. Des tailles régulières sont effectuées pour lui donner une structure basse et robuste.
Tailler un théier
Pour rester productif, un théier est taillé de 2 façons au cours de sa vie.
La taille de production est légère et effectuée tous les ans à la fin d’un cycle de récolte. Elle sert à garder la table de cueillette à une hauteur pratique et à renouveler le feuillage nécessaire à la croissance des nouvelles pousses.
La taille de régénération, à environ 30 cm du sol, intervient tous les cinq ans et a pour but de rajeunir l’arbre. Elle devient nécessaire lorsque plusieurs années d’exploitation ont réduit l’épaisseur du feuillage et donc le rendement du théier.
Dans les plantations bio, la table de cueillette est régulièrement abaissée à environ 30 cm du sol. Cette pratique permet de minimiser les risques d’attaques par les nuisibles et de maladies.
Récolter les feuilles de thé
Il existe une méthode assez simple d’estimation du meilleur moment de récolte du thé. En résumé, elle consiste à compter le nombre de feuilles constituant un bourgeon de théier. Voilà le détail de cette approche pragmatique.
- Le cultivateur se munie d’un cadre de 20 x 20 cm et le pose au hasard sur la surface à récolter.
- Il compte ensuite le nombre de bourgeons à l’intérieur de ce cadre. On désigne cette valeur par « total bourgeons ».
- Il compte ensuite le nombre de feuilles composant chaque bourgeon. On désigne cette valeur par « total feuilles ».
- Ensuite, il suffit de diviser le nombre de feuilles par le nombre de bourgeons pour en obtenir le nombre moyen de feuilles par bourgeon.
- Enfin, le cultivateur applique le résultat obtenu au tableau ci-dessous
Tableau : nombre moyen de feuilles ouvertes et Jours avant récolte
- 0,5 >> 27
- 1 >> 20
- 2 >> 15
- 3 >> 11
- 4 >> 6
- 5 >> 0
Ainsi, lorsque chaque bourgeon présente en moyenne 5 feuilles plus ou moins ouvertes, il est temps de récolter le thé.